Père Védaste NKESHIMANA, SJ.
Face à la souffrance, il est normal que l’on se sente effrayé et agisse pour améliorer la situation. Et toute personne de bonne volonté agirait pour aider ceux qui ne peuvent pas sortir de leur détresse. C’est pourquoi il est difficile de comprendre la souffrance de Jésus. Était-il impuissant? Si celui qui doit nous sauver est celui qui souffre, y a-t-il une autre issue pour les affligés? Les lectures de ce 5e dimanche de Carême nous aident à voir que c’est par sa souffrance que Jésus est glorifié. Ce qui est pour le monde la défaite et la honte est pour lui la victoire et la gloire. En effet, Jésus souffre pour que l’amour soit victorieux parmi les êtres humains et que chaque être humain puisse vivre différemment, en suivant le chemin de Jésus.
Jésus nous enseigne comment vivre non pas pour soi mais plutôt vivre les uns pour les autres. En d’autres termes, Jésus souffre pour partager la vie de Dieu avec chaque être humain qui n’est rien d’autre que l’amour de Dieu. Il est donc important de connaître la puissance de l’amour qui sous-tend l’action courageuse de Jésus vers la souffrance pour le salut du monde. Cet amour inconditionnel et sans fin a toujours été caractéristique des actes de Dieu. Lorsque Jérémie parle d’une nouvelle alliance, ce n’est pas parce que les Juifs ont changé. C’est Dieu qui leur a donné une nouvelle chance de récupérer ce qu’ils ont perdu à cause de leur infidélité: «Je mettrai ma loi en eux, et je l’écrirai dans leur cœur; et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple » (Jér. 31 : 33). Ainsi, la nouvelle alliance vise à faire comprendre aux Juifs qui est leur Dieu et c’est une initiative libre de Dieu. Jésus obéissant à cet amour accomplit la prophétie de Jérémie en touchant chaque cœur humain avec son amour de l’humain jusqu’à la fin.
La pandémie de COVID-19 nous a fait réaliser à quel point nous dépendons les uns des autres. À mon avis, si toutes les Nations s’étaient mobilisées comme un seul homme contre le COVID-19, cela n’aurait peut-être pas fait autant de victimes. On pourrait en dire autant pour d’autres maladies comme le VIH/SIDA, la tuberculose, etc. Tant que les gens n’ont pas de compassion les uns pour les autres, tant que les Nations sont dirigées par l’égoïsme ou le tribalisme, l’amour inconditionnel et excessif de Dieu est toujours nécessaire.
Le défi est de différencier nos victoires apparentes de la victoire de Jésus qui a vaincu la mort. Si Jésus s’était battu de la manière habituelle, il aurait vaincu tous ses ennemis. Mais ce triomphe aurait été fortuit. Pour voir le succès à la manière de Jésus, il faut voir le monde différemment, voir au-delà des faits, ce qui, dans ce cas, est avoir des yeux de foi. «À moins qu’un grain de blé ne tombe en terre et ne meure, il reste seul; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit » précise l’ évangéliste Jean (Jn. 12 :24). Suivre Jésus, c’est se concentrer sur les fruits qui résultent des actes d’amour et de ne pas s’inquiéter de la douleur qui peut être subie dans le processus. Jésus est le grain de blé qui est mort pour laisser place à un épi dont tous les êtres humains jouissent. Il aurait pu aimer être le Fils de Dieu, mais il a laissé tous ses privilèges afin d’élever les êtres humains à sa nature divine. Dans le monde, on parle des droits de l’homme. Mais pour le chrétien, celui qui suit Jésus renonce ce à quoi il/elle a droit pour améliorer la vie des plus nécessiteux.
Certes, on pourrait penser que l’amour est dangereux s’il conduit à des souffrances telles que celles que Jésus a endurées. Cependant, nous pouvons voir une grandeur qui est transparente dans un tel amour et devrait inspirer tous les disciples de Jésus. Ce n’est pas facile pour Jésus comme il dit: «Père, si tu le veux, éloigne de moi cette coupe; cependant, non pas ma volonté, mais que la tienne soit faite» (Lc 22 :42). Mais obéissant à la volonté de Dieu, Il a vaincu la peur. On nous rappelle que suivre Jésus n’est pas seulement pour des bons moments que les humains ont tendance à apprécier, mais pour accepter que la volonté de Dieu prévaut sur nos peurs et nos tendances. Nous devons recevoir la chose la plus importante que Jésus nous a donnée: sa vie. Et cela ne peut pas être sa vie si elle n’est pas donnée comme il s’est donné à nous. Son Amour transcende tout.
Le carême est un moment privilégié de conversion, de jeûne et de partage. Que ce dimanche nous aide à faire un pas de plus en cultivant parmi nous des actes d’amour et de pardon, en nous donnant mutuellement un nouveau départ.