Notre réflexion pour le troisième semaine de Carême vient de Sœur Alison Munro OP, directrice du Bureau d’action contre le SIDA de la Conférence épiscopale catholique d’Afrique Australe.
La lecture du troisièmeDimanche de Carême, prise de l’Évangile, de Jean 4, 5-42, se focalise sur la relation entre Jésus et la femme samaritaine qu’il rencontre accidentellement auprès du puits, et à ce qui arrive dans la vie de la femme à cause de cette rencontre. D’un point de vue humain, il ne pouvait pas savoir qu’il allait la rencontrer. Jésus brise les barrières, l’une imprégnée d’intolérance raciale, une autre inhérente à la propension blessante à séparer les hommes des femmes. Il veut rejeter les règles, se focalisant sur la grâce, reconnaissant la personne comme aimée de Dieu, gagnant sa conversion ainsi que celle des autres. Ce n’est ni la première ni la dernière fois que Jésus, dans son ministère public, nous montre comment aimer.
C’est un bel exemple d’engagement, d’invitation, de rupture des tabous, de défis sans menaces, de conversion, de repentir, de pardon et d’évangélisation. Certainement un exemple pour nous tous dans nos relations avec les autres, ceux qui sont différents, ceux qui sont affectés par le SIDA, quiconque est facilement marginalisé par la société. Notre appel à suivre l’exemple de Jésus peut s’inspirer de cette histoire et d’autres similaires qui nous invitent à être généreux et cléments, plutôt qu’être centré sur les attitudes fermées et fondées sur le jugement et sur le système juridique qui nous font si souvent trébucher dans notre cheminement de chrétiens.
La Samaritaine est une femme, une étrangère, une pécheresse aux yeux des autres. L’attitude des Juifs envers les femmes, pas si différente des attitudes qui prévalent dans les sociétés et les cultures d’aujourd’hui, était loin d’être idéale, et les hommes ne parlaient pas aux femmes en public. Il y avait des tensions venant des temps lointains de l’exil en Babylonie entre les Juifs et les Samaritains concernant les Écritures et, aspect important dans cette histoire, une interprétation différente de qui était le Messie et de la façon dont il se révèlerait au peuple. La femme est une proscrite, regardée de haut par son propre peuple à cause de son mode de vie. Elle a une mauvaise réputation et Jésus raconte des détails de sa vie qu’il n’aurait pas pu savoir naturellement.
Jésus, fatigué de son voyage, lui demande de l’eau bien que les « Juifs ne veulent rien avoir en commun avec les Samaritains » et que ce soit une femme. En dépit de tout cela, elle engage le dialogue, prête à se disputer avec lui avant peut-être de répondre à sa requête. Paradoxalement, l’histoire se déroule sans que sa demande d’eau soit satisfaite. Dans la conversation, un autre scénario se dessine, et nous voyons Jésus comme porteur de l’eau de la vie, dont le ministère est de sauver les malades et servir ceux qui ont besoin d’être guéris, transformant sa requête en une invitation.
Il la sollicite, lui offrant beaucoup plus que ce qu’elle aurait pu imaginer quand il dit : « Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit : ‘Donne-moi à boire’, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » Cette eau vive est un don qui apporte le salut à tous ceux qui reconnaissent en avoir besoin. Et nous voyons rapidement qu’elle est ouverte à ce don, écoutant son invitation avec la foi, impatiente d’y répondre, abandonnant les barrières qu’elle érige souvent pour se protéger du mépris et de la discrimination dont elle est victime.
Jésus nous montre que Dieu trouve les personnes dignes de son amour : elles comptent à ses yeux, même quand elles sont différentes de nous ou marginalisées par la société ou positives au VIH ou vivant « dans le péché ». Cela nous surprend parfois, quand nous sommes conditionnés par les préjugés, la stigmatisation et les attitudes enracinées, comme ceux des Pharisiens dans la parabole sur le collecteur d’impôts. Et c’est à travers Jésus que les personnes, et nous-mêmes aussi, malgré nos appréhensions, nos faiblesses et notre regard parfois volontairement détourné de la vérité qu’il nous offre, obtenons la vie éternelle.
La femme, comme les autres Samaritains ainsi que les Juifs, croit à la promesse de la venue du Messie. Jésus touche sa foi et elle comprend que c’est un prophète quand il dit : « Celui qui boira de l’eau que moi je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; et l’eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle. » La femme reconnaît qu’elle a besoin d’eau, sa soif est manifeste, mais pas d’une eau ordinaire. Son esprit est éclairé, illuminé par Jésus. Elle progresse encore dans sa foi, déclarant qu’elle croit que Jésus est le vrai Messie quand il dit : « Moi qui te parle, je le suis (le Messie). » Elle n’a pas peur de la vérité quand il la met au défi et elle reconnaît assez librement qu’elle n’a pas de mari, se repentant de ses péchés passés et désirant partager sa joie avec les autres.
Son témoignage est fort et d’autres personnes dans la ville, nous raconte l’Évangile, croient elles aussi quand elle dit : « Venez voir un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait. » On est tenté de se demander comment l’histoire se serait déroulée si Jésus avait simplement accepté de l’eau, en supposant que la femme voulait lui donner à boire. Très différemment !